#&@*$% j’ai mes règles !

Avoir ses règles en voyage, ça peut être vraiment galère. Lorsque l’on passe plusieurs mois sur le terrain, c’est une problématique qui peut prendre beaucoup de place dans le quotidien. Pourtant, on en parle très peu.

Avoir ses règles peut être compliqué (attention euphémisme), si bien que certaines femmes font tout simplement le choix de ne plus les avoir. Or, toutes les femmes qui ont des règles problématiques ne sont pas à l’aise avec cette option, notamment car cela implique la plupart du temps la prise d’un contraceptif hormonal en continu.

Au-delà des situations médicales spécifiques (endométriose, règles douloureuses, règles hémorragiques etc), pour quelles raisons les règles peuvent-elles poser problème sur le terrain ?

Il y a tout d’abord la question de la disponibilité des protections périodiques. Dans certains pays il n’y a tout simplement pas de tampons, on ne trouve pas de serviettes hygiéniques dans toutes les villes, leur qualité est très variable et leur prix potentiellement prohibitif. Par ailleurs, nous savons maintenant que la plupart des protections hygiéniques contiennent des produits chimiques qui ont un impact sur la santé des femmes. C’est pourquoi certaines femmes font le choix d’utiliser des protections bio ou plus naturelles. Or, les serviettes hygiéniques et tampons bio ne sont pas disponibles dans la plupart des pays où les humanitaires travaillent. Quelle que soit la qualité recherchée, cela nécessite que l’expatriée se renseigne au préalable et dans la plupart du temps prenne les protections de son choix dans ses bagages. Pour une mission longue, ça peut prendre beaucoup de place dans les bagages !

Se pose ensuite la question de l’accès à des sanitaires adaptés pendant les règles. Qu’entend-on par-là ? Une porte qui ferme à clé, de l’eau, du savon et une poubelle. Cela peut paraitre évident mais ce n’est pas toujours le cas sur le lieu de travail. La situation se complique lorsqu’il est question d’aller voir des projets dans des lieux isolés ou sur une autre base. Les trajets peuvent être très longs et il n’y a pas forcément de sanitaires. Cette question fait même l’objet de discussions sur des forums où les humanitaires s’échangent des astuces et solutions. Dans la plupart des cas l’expatriée gère cela seule (bouteille d’eau pour rincer la coupe menstruelle et se laver les mains, lingettes, sac pour mettre des protections usagées etc) tout en étant le plus discrète possible pour ne pas incommoder ses collègues hommes.

Enfin, les expatriés peuvent être amenés à rester plusieurs jours en hibernation pour des raisons de sécurité. La décision d’hiberner peut être prise soudainement. Dans ces cas, des malles remplies de biens de première nécessité sont prévues. Or, les protections hygiéniques figurent rarement à l’inventaire de ces malles. Cet article[1] en anglais aborde ce sujet et s’interroge sur les raisons de cet oubli.  La conclusion est claire, tant que les règles seront taboues elles ne seront pas prises en compte correctement.

Non seulement les aspects logistiques devraient être mieux couverts – et pas uniquement par les femmes – mais au-delà des considérations pratiques, il est important d’intégrer l’impact des règles sur le bien-être. Avoir ses règles peut avoir des conséquences sur la fatigue, le moral, la motivation et comporte souvent des désagréments physiques (douleurs abdominales, maux de tête, nausées, crampes, troubles digestifs etc). En parler, l’accepter, c’est aussi rendre légitime le fait d’organiser son travail en fonction de ces paramètres naturels. Les exigences du travail sur le terrain sont importantes mais il est parfois possible de décaler un déplacement ou l’animation d’un atelier qui demande un investissement personnel important. Aujourd’hui notre culture ne permet pas de dire qu’on préfère décaler un événement professionnel à cause de nos règles et c’est dommage.

Comment pourrait-on mieux prendre en compte les règles au sein des ONGs ? Voici une liste non exhaustive de suggestions :

  • Mettre à disposition des protections hygiéniques de qualité dans toutes les missions, dans les sanitaires des bureaux pour toutes les employées
  • Faire en sorte que des protections hygiéniques de qualité soient acheminées sur les missions par toute personne qui passe par le siège
  • S’assurer qu’il y a des protections hygiéniques dans tout kit d’hibernation/malle sécu
  • Prendre en compte ce facteur dans la planification des mouvements inter-bases ou visites terrain ou en tous cas faire en sorte qu’il soit possible d’aborder ce sujet
  • Banaliser le fait de parler des règles, libérer la parole dans la mesure de ce qui est acceptable culturellement.

Et vous, avez-vous des idées sur comment améliorer la prise en compte des règles ou des expériences à partager ?


[1] https://www.saferedge.com/single-post/2019/01/17/Why-are-there-no-menstruation-products-in-hibernation-kits?fbclid=IwAR0tLi5SLorR4-I_dnKRQeYGyFuHBqxI05gNwASjXDH968l8q9iphe4ec8A

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Une réponse

  1. Super sujet… La question des protections se posent pour les travailleuses humanitaires, comme pour les bénéficiaires d’ailleurs.
    La déferlante des coupes menstruelles (pas si récentes que ça, puisqu’elles existaient bien avant les protections jetables et polluantes) est une réponse super intéressante quand les femmes l’acceptent (en dehors de toute limite physique ou culturelle donc)…
    Mais l’industrie du jetable a bien tout noyauté…
    Toutes les ONG qui font de l’éducation sanitaire pourrait ajouter ce sujet à leurs préoccupations…

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